
Dans un monde où les défis sociaux se complexifient, les savoirs expérientiels émergent comme une ressource essentielle pour compléter les savoirs académiques et scientifiques traditionnels.
Ces connaissances, issues de l’expérience directe des individus et des collectivités, jouent un rôle déterminant dans l’élaboration de solutions concrètes et adaptées aux réalités locales.
Au Québec, « les organismes déploient une approche multidimensionnelle dans leur manière d’appréhender la réalité sociale et une capacité de prendre en compte les problématiques sociales dans leur globalité. Ils agissent en amont et en aval des problématiques à des degrés toutefois variables et souvent complémentaire les uns des autres par la force de leur réseautage. » (Bourque 2016 p.9)
En travaillant au plus près des populations vulnérables, les organismes communautaires développent des savoirs riches et pratiques qui éclairent les enjeux liés à l’inclusion sociale, à la lutte contre la pauvreté, et à l’amélioration des conditions de vie.
Pourtant, ces savoirs, bien que précieux, peinent encore à être pleinement reconnus et mobilisés dans les processus décisionnels et dans l’élaboration des politiques publiques.
Cet article explore la notion de savoirs expérientiels en s’appuyant sur l’expérience des organismes communautaires montréalais et plus largement québécois. Il examine leur contribution à l’action collective et leur intégration dans les dynamiques de mobilisation des connaissances. En analysant la définition, la légitimation, et les enjeux liés à ces savoirs, cet article propose une réflexion sur leur potentiel comme levier d’innovation sociale et de transformation des pratiques.
L’objectif est de mettre en lumière non seulement l’importance des savoirs expérientiels, mais également les stratégies nécessaires pour les reconnaître, les mobiliser et les valoriser dans les contextes locaux et au-delà.
Les savoirs expérientiels : définition et légitimation
Accepter de lire ou de discuter d’un article sur les savoirs expérientiels revient déjà à reconnaître, ou à refuser, que les savoirs scientifiques ne sont pas les seuls à exister dans l’océan des connaissances humaines. Mais d’où provient cette forme de savoir émergente ?
Les savoirs expérientiels trouvent leurs origines dans les années 1970 dans le champ de la psychologie, et dans les années 1990 dans le domaine de l’éducation. À cette époque, des chercheurs ont introduit le concept « d’apprentissage par l’expérience », que des formateurs pour adultes ont rapidement intégré sous la forme de « l’apprentissage en situation concrète par la construction de savoirs situés » (Gardien, 2017, p. 30). Cette approche remettait en question les méthodes d’enseignement magistral traditionnelles, en privilégiant une immersion directe et une participation active des apprenants.
Dans une démarche heuristique, il est essentiel de définir la notion de savoir expérientiel. Selon Borkman (1976, cité dans Gardien, 2017), le savoir expérientiel peut être décrit comme une « vérité apprise par l’expérience personnelle d’un phénomène, plutôt qu’une vérité acquise par raisonnement discursif, observation, ou réflexion sur des informations fournies par d’autres ». D’autres auteurs, comme Lochard (2007), dans son article intitulé l’avènement des “savoirs expérientiels” publié dans la revue de l’IRESS, définissent ces savoirs comme des connaissances acquises par l’expérience ou la pratique, indépendamment des cadres d’apprentissage traditionnels ou de leur validation académique.
Une reconnaissance et une légitimation en évolution
Certaines écoles de pensée reconnaissent que les savoirs expérientiels occupent une place croissante dans le champ des connaissances. Cependant, des questions subsistent concernant leur pertinence, leur mobilisation, leur légitimité - validité et leur reconnaissance institutionnelle.
Une recherche par mots-clés, incluant l’expression « savoir expérientiel », révèle une littérature abondante dans le domaine médical, en particulier dans les champs de la santé et des services sociaux au Québec. Les universités québécoises, les instances gouvernementales et plusieurs revues spécialisées abordent largement ce concept, notamment dans la vulgarisation scientifique et grand public. Par exemple, une recherche dans la base de données Sofia met en évidence des articles et travaux universitaires portant sur cette thématique. Je souligne que mes recherches ne me permettent pas de trouver beaucoup d’articles de presse sur cette thématique,
Cependant, si le domaine de la santé et des services sociaux semble être en phase avancée dans l’intégration et la valorisation des savoirs expérientiels, d’autres champs, tels que la lutte contre l’exclusion sociale, l’éducation ou le milieu communautaire, sont à un stade intermédiaire. Cela reflète une disparité dans la reconnaissance et la mobilisation de ces savoirs, qui nécessitent encore des efforts pour être pleinement intégrés dans l’élaboration des politiques et des pratiques d’intervention.
Mobilisation des connaissances et action collective
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